je suis sortie au bar comme d’habitude sans savoir que t’allais y être. j’ai même vu ton auto sur la rue mais y’avait des limites à t’halluciner. de toute façon, marcher c’est courir le risque de te croiser, mais la plupart du temps ça arrive jamais. aussi je me suis raisonnée (genre j’ai pas regardé la plaque de l’auto pour savoir si c’était vraiment la tienne). je savais pas encore que la peur de te croiser me mènerait à toi. c’est drôle ; je sais jamais quand je vais te voir mais chaque fois je m’y attends, chaque fois je suis surprise. ce soir-là, pour la première fois depuis des mois, je t’ai aperçu sans le voilement du regard qui normalement me protège de ton image. ce soir-là, je t’ai aperçu sans système de défense et j’ai même réussi à m’en foutre un peu. même si le mec avec qui je baisais à ce moment-là était tout bonnement en train de te parler, sans se douter de rien. c’était pas surprenant. personne sait jamais rien de notre histoire parce qu’on est des illicites. on est des pas fins mal synchronisés, des clandestins mal avoués. toujours est-il que le mec avec qui tu étais en train de parler venait de m’engueuler. j’avais fait quelque chose de pas correct ou quelque chose, en tout cas j’avais manqué au devoir de future petite amie. et moi, de mon côté, je sirotais ma bière de fille en m’inquiétant à propos des mauvaises choses. genre de ta présence. genre du moment où tu allais venir m’adresser la parole (je voulais pas être responsable). au lieu de penser à lui et aux excuses que j'allais devoir trouver pour m’en sortir.
j’ai su que la glace était brisée quand nos regards se sont croisés et que tu m’as levé ton verre. à partir de ce moment-là, on a fait ce qu’on sait le mieux faire : on s’est plus lâché. on a trinqué dansé ri à peine parlé parce que ça se passait dans les yeux. on se regardait sans cesse en souriant à travers les jets de lumière, en buvant des gorgées de bière (toi de gars, moi de fille). je me suis sentie vivre à nouveau, défoulée à tes côtés au son de la musique.
on avait dix ans comme. on était bien.
lui nous regardait sans comprendre mon comportement. j’étais sans cœur il disait. comment je pouvais m’amuser autant alors que lui dépérissait ? à bien y penser, il me semble en effet que mon euphorie était absurde. surtout aux yeux de quelqu’un qui savait rien de ce qui était en train de se passer. il voyait pas que j’étais tombée sous ton charme, ni que tu étais tombé sous le mien. il voyait pas que c’était pas la première fois. aussi j’ai tout fait pour qu’il s’en aille ; entre sa tristesse et ta joie, le choix était facile.
on était ivre et beau. on riait mais ça faisait aucun sens, vraiment. on était les pires mais on s’en foutait ; on était complice dans le secret. insouciant, comblé, jeune et vif. amoureux.
je me demande ce que ta blonde aurait dit si elle nous avait vu.
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