« et tant pis pour tous les hommes sains et équilibrés qui m’aimeront et tant pis pour moi surtout qui en aimerai d’autres, on finit tous par mourir de la discordance de nos amours. »
j’ai encore fait la putain. dévastée, perdue et sans pitié. la ste-catherine ce soir-là et on savait tous dès le début que c’était pas fiable. on le savait mais on y allait pareil parce que vivre c’est aussi ça. c’est se détruire comme si ça avait pas d’importance parce que demain n’est jamais sûr. parce que croire trop à l’instant présent c’est aussi oublier que le mal se passe de corps. le mal c’est là mais ça prend toujours trop de temps à se montrer ; à ce moment-là il est trop tard.
ce soir-là le mal a été fait comme à son habitude d’enfant sournois. on a couru à l’empoisonnement comme si le sens de la vie s’y cachait. on a pris nos yeux brillants pour des lueurs d’espoir. on s’est tous aimés très fort et j’ai même fini par en embrasser un : celui qu’il fallait pas.
ne pas penser aux conséquences.
être celle qui donne ses lèvres c’est l’histoire de la vie. celle qui en pleure aussi. (être femme, c’est aimer un homme qui nous aime mal en retour.) dans le cas inverse, celui où je prends les lèvres, celles qui sont là, qui s’offrent à moi, pour en profiter ici maintenant, dans ce cas-là, je suis putain. je suis putain parce qu’il enrage de ne pas m’avoir toute. parce que je suis pas la putain qu’il croit, celle qui va jusqu'au bout, reste toute la nuit.
ne pas penser aux conséquences c’est fréquent. celui qui par la suite en souffre se défend en en accusant l’autre (c’est facile). on est toujours coupable pour avoir fait du mal ; coupable d’avoir senti le consentement de l’autre, de n’avoir pas su raisonner pour deux.
je suis putain parce que je suis partie. ivre et légère, avec un étranger. la langue dans sa bouche sonnait différemment ; c’était celle de ma mère, celle du dépaysement. les mots qu’il prononçait en français portaient la trace de ses voyages. la trace des efforts qu’il fait depuis cet été d’il y a deux ans. celui d’une rencontre furtive au même endroit : le même bar, la même ambiance, les mêmes gens. étranger donc, mais familier à la fois. comme le sont ceux qui me rappellent à mes racines.
je suis putain déconnectée d’un corps qui ne m’appartient plus. je jouis de cette absence et reviens violemment sur terre, lorsque des doigts me touchent et que j’aime ça. et j’ai honte.